Congrès des pompiers : Quand le privé monte au feu – Le Regard d’Éric de Riedmatten

Par Eric de Riedmatten
Septembre 2022

Les pompiers vont être augmentés. L’indemnité de base va grimper de 30 centimes. J’ai cru à une erreur en lisant ce chiffre.
Le taux horaire va passer de 8,08 € à 8,36 €. Bref, pour des soldats du feu chargés de sauver nos vies, ce n’est pas cher payer.
Comme pour les infirmières ou les agents hospitaliers, on se heurte toujours à la question budgétaire.  
Et pourtant, les pompiers qui se sont réunis en congrès à Nancy sont une formidable force économique. Certes mal payés mais incroyablement générateurs de business et d’innovations. C’est tout le paradoxe ! Je veux en parler car l’impact économique de cette profession est trop souvent laissé sous silence.
Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui encore, on voit les pompiers comme des sauveteurs mandatés et payés par les collectivités. (Ou par l’armée à Marseille et Paris).
Sauver ou périr. C’est leur devise. C’est leur fierté, leur courage et leur dévouement. Et l’on oublie que derrière ces soldats du feu, toute une mécanique « privée » est actionnée et qu’elle fait vivre un business florissant. C’est le business de la prévention et de la surveillance.
Un mégot mal éteint, une fuite d’oxygène dans un hôpital, un début d’incendie dans une cage d’escalier. Les équipements anti-incendie sont en plein essor. Poussés par les nouvelles normes qui se multiplient et qui permettent d’éviter les catastrophes.    
Et malgré toutes ces avancées (comme les détecteurs de fumée), on compte encore en France 250 000 incendies par an dont 4000 dans les espaces naturels selon l’étude du cabinet Prévention et Education Pour la Santé.
Il faut donc innover, créer puis mettre sur le marché toutes ces avancées technologiques.

LE POMPIER SEUL NE SUFFIT PLUS 

Comme le dit l’adage bien connu, à la première minute, on commence par un verre d’eau pour étouffer la flamme.
A la deuxième minute, un seau d’eau suffit.
A la troisième minute, il faut déjà une tonne d’eau et ensuite, on fait ce que l’on peut. Et c’est là que la technologie s’impose.
Car les soldats du feu ne peuvent pas tout.     
Ils ont besoin eux aussi d’innovations majeures.
Au congrès de Nancy, on peut voir les gels anti-feu que l’on répand sur les forêts pour étouffer les flammes.
On découvre aussi des nids artificiels placés dans les arbres et bourrés d’électronique capables de détecter le moindre départ de feu pour géolocaliser le lieu du sinistre.
Les ballons dirigeables (comme à Marseille) scrutent désormais les garrigues et autres forêts de résineux. Ils sont de plus en plus complétés par des « drones pompiers » qui jouent le rôle d’extincteur !  
Et puis, ce seront bientôt les canadairs sans pilote. La société Singular Aircraft va mettre sur le marché les premiers bombardiers d’eau auto-pilotés avec à bord 2 tonnes d’eau.
Il y aussi cet incroyable parachute de sauvetage qui s’enfile comme un sac à dos. Et qui permet de sauter d’une fenêtre en cas d’incendie. Imaginez que cette innovation ait existé dans les tours du World Trade Center le 11 septembre 2001, le bilan aurait été réduit au minimum. 
Quant aux soldats du feu, de nouveaux équipements arrivent.

LES INNOVATIONS AU SECOURS DES POMPIERS

Le casque à réalité augmentée leur permet de se frayer un chemin dans les endroits envahis de fumée. Il repère même les victimes grâce à sa lecture infrarouge.  
Et je ne vous parle pas des robots lancés par Shark Robotic. Peut-être remplaceront-ils un jour ces humains qui se dévouent pour sauver nos vies ? On découvre aussi de nouveaux textiles protecteurs et des appareils qui soulagent le pompier du poids d’une lance incendie à haute pression.
Il y a même des horticulteurs qui développent de nouvelles essences d’arbres. Savez-vous que le cyprès méditerranéen retient l’humidité grâce à sa litière d’épines qui bloque la propagation des flammes. Le programme « CypFire » est désormais lancé dans toute l’Europe. 
Et dans tous les cas, c’est le privé qui monte au feu, qui investit et qui déploie des moyens hors normes pour épauler les soldats du feu.
Quand on parle de lutte contre l’incendie, ce sont bien les moyens privés qui répondent présents.

On pourrait aussi imaginer des renforts de pompiers issus du privé comme c’est le cas avec les ESI en France (engagement de seconde intervention), notamment dans les usines où de véritables casernes se sont érigées.
Des entreprises aux Etats-Unis n’ont pas hésité à franchir le pas. Elles proposent des services anti-incendie aux particuliers les plus riches, installés en Californie sur les hauteurs de Sunset Boulevard.

DES POMPIERS PRIVÉS COMME AUX ETATS-UNIS ?

Ces milliardaires peuvent s’offrir les services de brigades privées. A Los Angeles, ce service se facture 25 000 dollars par jour selon les chiffres du journal Le Parisien (1^er novembre 2019). La vedette de télé-réalité Kim Kardashian aurait sauvé sa villa de Beverly Hill grâce aux pompiers privés évitant ainsi de voir 60 millions de dollars partir en fumée. Les assureurs lui ont dit merci ! Mais tout cela pose question. Les pompiers privés protégeront-ils les villas voisines qui n’ont pas souscrit à l’abonnement ? La réponse est non.
Et la France (pour cette raison) ne pourrait pas se lancer dans une telle aventure.

Il reste la force volontaire. Tous ces pompiers qui ont déjà une activité professionnelle et qui donnent leur temps libre à l’activité de secouriste.
L’Etat l’a bien compris. 50 000 pompiers volontaires supplémentaires seront recrutés d’ici à 2027.   
On le voit : quand l’Etat ne peut plus, l’initiative privée prend le relai.

L’été a révélé le manque de moyens et les lacunes de notre organisation. Sans l’aide des pompiers espagnols, nos forêts auraient été encore plus ravagées.
Sans l’apport des volontaires, nous serions bien à la peine.

Puisse l’Etat prendre conscience que les moyens manquent et que le boom technologique doit irradier les services de secours en France.
N’attendons pas les catastrophes pour obtenir des moyens humains et techniques supplémentaires.

Eric de Riedmatten

SOURCE : https://www.meilleure-innovation.com/innovations-lutter-contre-incendies/

Directeur de la publication : Michaël Lejard
Directeur de la rédaction : Alexandre Carré